Guide du datajournalisme 1.0 BETA

Données publiques sur les réseaux sociaux

Les données sont précieuses. L’accès aux données a le pouvoir d’apporter des réponses et de provoquer des réactions. Néanmoins, la mauvaise gestion des données peut emprisonner les faits dans une structure opaque qui ne communique rien. Des données qui ne permettent pas d’alimenter le débat ou d’offrir une meilleure compréhension du contexte ne présentent qu’un intérêt limité pour le public.

Le Nigéria a rétabli un régime démocratique en 1999 après des années de dictature militaire. Jusqu’alors, les autorités voyaient toute tentative d’accéder aux données publiques comme un affront à la réputation de la junte. La loi sur les secrets d’État interdisait aux fonctionnaires de partager les informations du gouvernement. Quatorze ans après le rétablissement de la démocratie, il est toujours difficile d’accéder aux données publiques. Par ailleurs, les données sur les dépenses publiques sont incompréhensibles pour une grande partie du public qui n’est pas formée à la comptabilité financière et aux mathématiques avancées. Avec l’essor des appareils mobiles et un nombre grandissant de Nigérians ayant accès à Internet, nous avons, avec BudgIT, vu une belle occasion d’utiliser des technologies de visualisation de données pour mobiliser les gens autour des dépenses publiques. Pour cela, il nous fallait toucher les utilisateurs sur toutes les plates-formes et nous efforcer d’atteindre tous les citoyens par le biais d’ONG. Ce projet consistait à faire des données publiques un objet social et à développer un réseau de personnes désireuses de changement.

L'application BudgIT cut
L'application BudgIT cut (BudgIT Nigeria)

Pour bien communiquer avec nos utilisateurs, nous devons comprendre ce qu’ils veulent. De quoi se soucie le citoyen nigérian ? De quelles informations a-t-il l’impression de manquer ? Comment faire en sorte que les données aient un impact sur sa vie ? La cible principale de BudgIT est le Nigérian alphabétisé moyen qui se connecte à des forums et à des réseaux sociaux. Pour parvenir à concurrencer les nombreuses activités qui occupent l’attention de ces utilisateurs (les jeux, la lecture et la socialisation), nous devons présenter les données de manière brève et concise. En diffusant un aperçu des données dans un tweet ou une infographie, nous avons la possibilité d’impliquer les utilisateurs de façon plus durable avec une expérience plus interactive pour leur offrir une meilleure vue d’ensemble.

Quand vous voulez visualiser des données, il est important de comprendre le niveau de qualification de vos utilisateurs. Aussi esthétiques et sophistiqués soient-ils, des diagrammes complexes et des applications interactives ne sont pas nécessairement un moyen de communication efficace selon l’expérience des utilisateurs en matière d’interprétation de données. Une bonne visualisation parle à l’utilisateur dans une langue qu’il peut comprendre, et lui raconte une histoire à laquelle il peut facilement s’identifier.

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Les jauges montrant l'engagement des utilisateurs sur l'application BudgIT cut (BudgIT Nigeria)

À ce jour, plus de 10 000 Nigérians ont utilisé notre application, et nous les classons dans trois catégories pour nous assurer de leur offrir un service optimal.

Utilisateurs occasionnels

Ce sont des utilisateurs qui veulent obtenir des informations simplement et rapidement. Ils veulent se faire une idée générale des données, pas étudier des statistiques détaillées. Nous communiquons avec eux par le biais de tweets ou de graphiques interactifs.

Utilisateurs actifs

Ce sont les utilisateurs qui alimentent le débat et qui utilisent les données pour améliorer leurs connaissances sur un sujet particulier ou remettre des hypothèses en question. Nous voulons leur offrir des mécanismes de feedback et la possibilité de partager leurs découvertes via les réseaux sociaux.

Consommateurs de données

Ces utilisateurs veulent des données brutes pour créer des visualisations ou réaliser des analyses. Nous leur fournissons les données à ces fins.

Avec BudgIT, notre engagement utilisateur consiste en trois points.

Stimuler la discussion autour des tendances actuelles

BudgIT suit les discussions en ligne et hors ligne et cherche à fournir des données sur les sujets abordés. Par exemple, pendant les grèves du carburant en janvier 2012, une agitation constante régnait parmi les manifestants qui souhaitaient le rétablissement des subventions à la pompe et la réduction des dépenses publiques inutiles et extravagantes. BudgIT a suivi la discussion sur les réseaux sociaux et, en seulement 36 heures, a développé une application pour permettre aux citoyens de réorganiser le budget nigérian.

Offrir de bons mécanismes de feedback

Nous interagissons avec les utilisateurs par le biais de canaux de discussion et de réseaux sociaux. Beaucoup d’utilisateurs veulent savoir quelles histoires se cachent dans les données et nous demandent notre avis. Nous nous assurons que nos réponses se bornent à expliquer les faits et ne soient pas orientées par nos opinions personnelles ou politiques. Nous devons offrir des mécanismes de feedback, répondre activement aux commentaires et engager les utilisateurs de manière créative pour entretenir une communauté autour des données.

Rester local

Pour les bases de données ciblant un groupe d’utilisateurs particulier, BudgIT s’attache à localiser son contenu et à promouvoir un canal de discussion qui réponde aux besoins et aux intérêts de ce groupe. Nous nous intéressons notamment aux moyens de communiquer avec les utilisateurs sur les sujets qui les touchent par SMS.

Maintenant que nous avons publié les données des dépenses publiques sur youbudgit. com, nous nous efforçons d’atteindre tous les citoyens par l’intermédiaire de diverses ONG. Nous prévoyons également de développer une structure participative permettant aux citoyens et aux institutions gouvernementales de se réunir dans les mairies pour définir les priorités-clés du budget.

Ce projet a été couvert par des médias locaux et étrangers, de CP-Africa à la BBC. Nous avons entrepris une étude des budgets 2002-2011 du secteur de la sécurité pour une journaliste de l’AP, Yinka Ibukun. La plupart des médias sont des gros consommateurs de données et nous demandent des données à utiliser dans leurs reportages. Nous avons prévu d’autres collaborations avec des journalistes et des organisations médiatiques dans les mois à venir.

Oluseun Onigbinde, BudgIT Nigeria