Guide du datajournalisme 1.0 BETA

Impliquer les gens autour de ses données

Devrions-nous enquêter?
Devrions-nous enquêter? (OWNI.fr)

Il est presque aussi important d’obtenir une réaction de votre public que de publier les données. Vous êtes humain ; vous allez faire des erreurs, rater des choses et parfois tirer de mauvaises conclusions. Votre public est l’un de vos atouts les plus précieux. Il peut vérifier les faits et vous signaler des choses que vous n’avez pas remarquées.

Ce public peut toutefois être difficile à impliquer. On parle d’un groupe de personnes qui ont été conditionnées pendant des années d’utilisation d’Internet à passer d’un site à l’autre, ne laissant que quelques commentaires sarcastiques dans leur sillage. Il est crucial d’établir un lien de confiance avec vos utilisateurs ; ils doivent savoir ce qu’ils vont obtenir, comment ils peuvent y réagir et offrir leur feedback, et être sûrs qu’ils trouveront en vous une oreille attentive.

Mais vous devez d’abord réfléchir au type de public que vous avez, ou que vous voulez toucher. Ce public sera intrinsèquement lié au type de données avec lequel vous travaillez. Si elles concernent un secteur particulier, alors vous allez devoir étudier les communications spécifiques de ce secteur. Existe-t-il des organisations commerciales qui pourraient avoir envie de promouvoir les ressources dont vous disposez et le travail que vous avez fait auprès d’un public plus large ? Y a-t-il un site web communautaire ou un forum sur lequel vous pouvez vous inscrire ? Des publications spécialisées qui pourraient vouloir rendre compte de certaines de vos découvertes ?

Les réseaux sociaux sont également un outil important, quoique là encore cela dépende du type de données avec lequel vous travaillez. Si vous avez par exemple des statistiques sur les transports maritimes, vous aurez moins de chances de tomber sur un groupe Facebook ou Twitter intéressé par votre travail. En revanche, si vous disposez d’indicateurs sur la corruption dans le monde ou de statistiques locales sur la criminalité, cela intéressera vraisemblablement plus de monde.

En ce qui concerne Twitter, la meilleure approche consiste à contacter des personnes influentes en leur expliquant brièvement pourquoi votre travail est important et en incluant un lien. Avec un peu de chance, ils relaieront le message à leurs lecteurs. C’est un excellent moyen de maximiser l’exposition de votre travail avec un minimum d’efforts – évitez juste de harceler les gens !

Une fois que vous avez des visiteurs sur votre page, vous devez réfléchir à la façon dont votre public interagira avec votre travail. Bien sûr, la plupart se contenteront peut-être de lire l’article que vous avez écrit et de regarder les infographies ou les cartes, mais il peut être extrêmement fructueux d’offrir à vos utilisateurs un moyen de s’exprimer. Cela vous apportera vraisemblablement plus d’informations sur le sujet que vous étudiez et enrichira votre travail futur.

Tout d’abord, il va sans dire que vous devez publier les données brutes en accompagnement de vos articles. Partagez les données au format texte ou hébergez-les sur un service tiers comme Google Documents. Ainsi, une seule version des données est accessible et vous pouvez les mettre à jour au besoin si vous trouvez des erreurs devant être corrigées. Encore mieux, faites les deux. Facilitez autant que possible l’accès à la matière brute. Ensuite, pensez à d’autres manières potentielles d’interagir avec le public. Contrôlez les statistiques pour voir quelles sont les données qui attirent le plus d’attention – il est possible que les zones les plus visitées aient quelque chose à dire que vous avez raté. Par exemple, vous ne penserez peut-être pas à regarder les statistiques sur la pauvreté en Islande, mais si ces données sont très consultées, il se peut qu’il y ait quelque chose d’intéressant à rapporter.

Par ailleurs, vous n’êtes pas obligé de vous contenter d’une simple boîte de commentaires. Pouvez-vous attacher des commentaires aux cellules d’une feuille de calcul ? Ou à une zone spécifique d’une infographie ? La plupart des systèmes de publication intégrés ne le permettent pas forcément, mais cela vaut la peine de faire l’effort si vous créez quelque chose d’un peu plus sur mesure. Ne sous-estimez pas les bénéfices que cela peut engendrer pour vos données.

Assurez-vous que les autres utilisateurs puissent également voir ces commentaires – dans bien des cas, ils auront presque autant de valeur que les données originales, et si vous gardez ces informations pour vous-même, vous privez votre public de cet atout.

Enfin, d’autres voudront peut-être publier leurs propres infographies et articles basés sur les mêmes sources de données ; songez à une façon de relier leur travail au vôtre. Vous pouvez par exemple utiliser un hashtag spécifique à la base de données, ou si les données sont particulièrement visuelles, vous pouvez les partager dans un groupe Flickr.

Il peut également être utile d’offrir un moyen de partager des informations de manière plus confidentielle – dans certains cas, il peut être dangereux pour certaines personnes de partager publiquement leurs contributions à une base de données, ou elles n’ont tout simplement pas envie d’y associer leur nom. Ces personnes préfèreront peut-être partager leurs informations via une boîte mail, ou même une zone de commentaire anonyme.

La chose la plus importante que vous puissiez faire avec vos données, c’est de les partager de manière aussi large et ouverte que possible. Permettez à vos lecteurs de vérifier votre travail, de trouver vos erreurs et de repérer les choses qui vous ont échappées, votre travail de journaliste – et l’expérience de vos lecteurs – n’en sera que meilleur.

Duncan Geere, Wired.co.uk