Récolter automatiquement les données et aspirer tous les prix de tous les distributeurs en Europe n'était pas vraiment un problème. Pour tester notre approche, nous nous sommes intéressés aux déodorants chez Monoprix et Rossman, et aux parfums et eaux de toilette chez Douglas et Sephora. Ces produits auraient dû être des cas faciles, les chercheurs américains ayant déjà montré que les cosmétiques étaient plus chers pour les femmes. Pris dans leur ensemble, les cosmétiques représentent quelques pourcents des dépenses des ménages. Si notre test avait fonctionné, nous aurions pu l'étendre aux reste des produits de consommation courante.
Au total, nous avons récolté 5000 prix de parfums et 500 prix de déodorants. Un peu de travail de nettoyage de données, puis calcul du prix au litre de chaque produit : les médianes des prix montraient que les produits pour femme étaient largement plus chers, quel que soient les distributeurs et le pays. Une de nos hypothèses de départ, selon laquelle les allemands, plus branchés unisexe, seraient plus égalitaires, s'écroulait.
les déodorants Rexona sont un tiers plus chers pour les femmes, et cela va jusqu'à quatre fois plus chers pour la marque Nivea. Les hommes aussi doivent parfois payer plus cher, les produits de la marque Cadum y sont trois fois plus chers pour eux.
Les produits pour femme sont largement plus chers, quel que soient les distributeurs et le pays.
Qu'à cela ne tienne ! Nous avons ensuite choisi de comparer les produits deux à deux, c’est à dire les produits identiques packagés et marketés en version “homme” et en version “femme”. Le travail était plus difficile à automatiser, mais nous avons donc retrouvé les couples de produits : suffisamment similaires pour que l'on puisse considérer que le coût des ingrédients n'influence pas le prix de vente (pour un parfum par exemple, les ingrédients représentent moins de 5 % du prix) et suffisamment genrés pour qu'aucun doute ne soit possible. Pour les déodorants vendus chez Monoprix, les différences apparaissent clairement mais varient selon les marques : les déodorants Rexona sont un tiers plus chers pour les femmes, et cela va jusqu'à quatre fois plus chers pour la marque Narta. Les hommes aussi doivent parfois payer plus cher, les produits de la marque Cadum y sont trois fois plus chers pour eux.
Dans les parfums, les différences étaient également très marquées, les femmes payant environ 20 % de plus que les hommes.
Pour une même marque, les produits pour femme ont tendance à être plus chers, mais ce n'est pas toujours le cas.
Cela dit, cette méthodologie ne nous satisfaisait pas non plus pleinement. Que dire des produits Axe (pour homme), très chers, et qui n'ont pas d'équivalents féminins ? Et les produits unisexes ? Et si les différences de prix étaient liées à la séparation des rayons ? Fallait-il mesurer la distance entre les rayons dans tous les supermarchés d'Europe ? La durée du projet augmentait encore.