Le grand tableau des élections
Les résultats d’élections offrent d’excellentes opportunités de storytelling visuel, mais pendant des années, nous avons manqué le coche. En 2008, nous avons décidé d’y mettre un terme avec le service de graphisme du journal.
Nous souhaitions trouver un moyen d’afficher les résultats qui raconte une histoire, et ne pas nous contenter de jeter un tas de chiffres dans un tableau ou sur une carte. Lors des élections précédentes, c’est exactement ce que nous avions fait.
Non pas qu’il y ait nécessairement un problème avec les gros paquets de chiffres, ou ce que j’appelle le « modèle CNN », composé de tableaux, de tableaux et de toujours plus de tableaux. Cela fonctionne parce que le lecteur obtient globalement la réponse à sa question : qui a gagné ?
Et il est toujours hasardeux de vouloir changer quelque chose qui fonctionne. En faisant quelque chose de radicalement différent de ce à quoi les gens étaient habitués, nous aurions pu apporter plus de confusion qu’autre chose.
Au final, c’est Shan Carter, du service artistique, qui a trouvé la solution, que nous avons fini par appeler le « grand tableau ». Quand j’ai vu les maquettes pour la première fois, je me suis pris une vraie claque.
C’était exactement ce qu’il nous fallait.
En quoi est-ce du bon journalisme visuel ? Pour commencer, le regard du lecteur est immédiatement attiré vers la barre horizontale affichant les votes des grands électeurs au sommet de la page, que nous pourrions qualifier d’_accroche_ dans un vocable journalistique. Elle communique au lecteur exactement ce qu’il veut savoir, et elle le fait rapidement, simplement et sans aucun bruit visuel.
Ensuite, le lecteur est attiré par le regroupement des États en cinq colonnes, organisées par le Times selon la probabilité que chaque État vote pour l’un ou l’autre des candidats. La colonne du milieu représente les résultats décisifs, ceux qui expliquent pourquoi Obama a remporté les élections. Le graphique ne laisse pas de place au doute : Obama a remporté tous les États où il devait gagner et quatre des cinq États indécis.
Pour moi, cette structure en cinq colonnes est un exemple des différences qui existent entre le journalisme visuel et d’autres formes de design. Idéalement, un bon projet de journalisme visuel doit à la fois être beau et apporter des informations. Mais à choisir entre l’histoire et l’esthétique, le journaliste doit privilégier l’histoire. Et même si un designer pur et dur aurait pu choisir de présenter les données sous un autre format, celuici raconte très bien l’histoire.
Et enfin, comme toute bonne interaction web, celle-ci invite le lecteur à approfondir le sujet. Elle comprend des détails comme les pourcentages État par État ou les votes des grands électeurs délibérément minimisés pour ne pas faire de concurrence aux éléments-clés de l’histoire.
Tout ceci constitue le « grand tableau », un excellent dossier de journalisme visuel qui répond presque parfaitement à la fameuse pyramide inversée.
Aron Pilhofer, The New York Times